mer, 01/13/2016 - 11:20
Dossier: les clés pour comprendre le conflit minier qui oppose la SAG à la communauté de Kintinian
Le 30 octobre 2015, les nouvelles en provenance de Kintinian étaient préoccupantes. Une manifestation de la population se solde par un blessé par balle tirée par un membre des forces de sécurité déployées dans la zone pour calmer de fortes tensions. Le conflit minier qui couve entre les communautés locales, une société aurifère et les autorités a éclaté. Le conflit est encore ouvert. Conséquences immédiates : suspension des activités d’orpaillage dans la contrée, expulsion des milliers d'orpailleurs étrangers dans leur pays. Que s’est-il vraiment passé ? Entre les communiqués du gouvernement mis en doute, le mutisme ( ?) de la Société Aurifère de Guinée (SAG), des articles de presse purement factuels, etc. difficile de se faire une idée claire, depuis Conakry, sur ce qui s’est réellement passé à Kintinian, à l’extrême nord-est de la Guinée.
La société civile (PCUD), à travers sa Cellule de Veille Citoyenne (CVC) s’est saisie de ce dossier brûlant. Je faisais partie de la mission qui s’est rendue sur place, à Kintinian, pour essayer de comprendre les faits, remonter aux sources de ce conflit très sensible, rencontrer et écouter les protagonistes en vue de trouver une solution apaisée. A travers cet article en trois parties, je vous amène au cœur de Bouré pour vous permettre de comprendre le conflit qui mine actuellement les relations entre la SAG et les populations de cette partie de la préfecture de Siguiri.
La sous-préfecture de Kintinian est située à 30 km de Siguiri. C'est un des plus riches villages aurifères de Bouré dont la principale source de revenue est l'orpaillage. A Kintinian, il n’y a ni agriculture, ni élevage ni pêche. Les terres cultivables sont creusées de milliers de trous dans lesquels périssent les animaux domestiques et sauvages. Les cours d’eau ont disparu et les rares rivières ou marigots qui résistent sont complètement pollués. Ce gros village peuplé d’environ 120.000 habitants fait l'objet de convoitise des orpailleurs venus de toutes les régions de la Guinée et même de la sous-région notamment du Burkina et du Mali. La recherche du métal précieux n’est pas qu’artisanale. L’usine de la société aurifère de Guinée (SAG) qui apporte plus de 93 millions USD par an à l’Etat (période 2008-2013) est située à moins d’un km de Kintinian .
Kintinian, un village assis sur une … mine d’or !
Depuis 1998, l’Etat guinéen a accordé une concession minière pharaonique de 1.500 km2 à la SAG. Cette concession s’étend sur presque tous les villages de Bouré soit toute la partie nord et ouest de la préfecture de Siguiri. Le village de Kintinian et ses alentours ne sont qu’une goutte d’eau dans cet océan minier. Et puisqu’il s’agit de ce village, il faut savoir qu’il est coincé entre les carrières industrielles de la SAG et les puits artisanaux des orpailleurs. Aucun des deux exploitants ne se soucie de la restauration des sites abandonnés. De tous les côtés du village les carrières épuisées ou en cours d’exploitation par la SAG sont situées à quelques mètres des habitations. Les secousses des excavateurs provoquent régulièrement des fissures sur les maisons. L'assèchement de la nappe phréatique suite à cette intense exploitation industrielle provoque le tarissement des puits et des forages des populations riveraines. Entre autres conséquences néfastes: la poussière. L’air est irrespirable jusque dans les chambres. En clair, l’existence de Kintinian est menacée depuis très longtemps.
L'exploitation de la colline sacrée de DamaniTinti
Damani Tinti après exploitation par la SAG
De 2008 à 2009, après compensation des terres agricoles et les friches, la SAG a commencé l’exploitation de la zone de Seguelen qui se situe à la périphérie de Kintinian. En 2013, elle a engagé les mêmes négociations avec le village pour exploiter une partie de la colline de DamaniTinti située dans le même périmètre. C’est ainsi qu’un comité local de négociation, présidé par Elhadj Lancei Camara, la maire de Kintinian, a été mis place. A l’issue des négociations le village a obtenu de la SAG la promesse de réaliser plusieurs infrastructures dont entre autres, une mosquée, un marché moderne, l'adduction d’eau au village, une école de 9 classes et le recrutement de 75 peronnes à la SAG. Ensuite, un comité de suivi composé de 7 membres a été formé. Il est présidé par Elhadj Namory Camara, dit « Gérant », en vue de suivre ces travaux dont certains sont encore en cours d’exécution.
DamaniTinti dont l’exploitation partielle (voir photo) a permis ces réalisations était une colline sacrée. C’était un lieu de culte où les premiers habitants de Kintinian faisaient des offrandes aux génies protecteurs de leur village. Bien que l'islam ait pris le dessus sur l’animisme et l'idolâtrie, le mythe demeure. Les traditionalistes soutiennent que le malheur qui s’abat actuellement sur le village est la conséquence de la destruction de ce lieu sacré.
L'échec des tentatives de négociations pour l'exploitation d’Area One
Plan d'Area One
Area One (zone 1) est la portion de terre au cœur du conflit. La zone s’étend sur 67 hectares. C’est la prolongation de Seguelen et de DamaniTinti (déjà exploités) qui déborde sur une partie habitée du village. Dans cette zone convoitée, il y a des infrastructures socio-éducatives à savoir des écoles et le stade du village. Il convient de rappeler que toutes ces zones font partie intégrante de la concession de la SAG. Selon un mémo (non daté) du Ministère des Mines, depuis mars 2015, la SAG a demandé la mise à disposition d’Area One avant la fin du mois août 2015. Le même document souligne que le Ministère des Mines et de la Géologie est intervenu à plusieurs reprises pour faciliter l’accès à ces zones sans succès. Plus loin, il recommande aux autorités d’informer officiellement les populations que l’accès aux zones d’exploitation accordées par l’Etat aux sociétés minières ne peut être refusé. En outre il recommande la prise d’un acte réglementaire par le Préfet de Siguiri pour interdire les nouvelles construction et autoriser la SAG à procéder à l’inventaire et à l’évaluation des biens situés dans le périmètre d’Area One. Le préfet devra ensuite ordonner à la SAG de procéder à une indemnisation juste et équitable des populations. Mais en réalité, est-ce que ces recommandations ont été transmises aux autorités locales pour être appliquées à Kintinian dans le délai imparti? Quoi qu’il en soit, plusieurs missions se sont succédées à Kintinian pour sensibiliser les populations en vue d’amorcer des négociations avec la SAG, mais en vain.
La société civile (PCUD), à travers sa Cellule de Veille Citoyenne (CVC) s’est saisie de ce dossier brûlant. Je faisais partie de la mission qui s’est rendue sur place, à Kintinian, pour essayer de comprendre les faits, remonter aux sources de ce conflit très sensible, rencontrer et écouter les protagonistes en vue de trouver une solution apaisée. A travers cet article en trois parties, je vous amène au cœur de Bouré pour vous permettre de comprendre le conflit qui mine actuellement les relations entre la SAG et les populations de cette partie de la préfecture de Siguiri.
La sous-préfecture de Kintinian est située à 30 km de Siguiri. C'est un des plus riches villages aurifères de Bouré dont la principale source de revenue est l'orpaillage. A Kintinian, il n’y a ni agriculture, ni élevage ni pêche. Les terres cultivables sont creusées de milliers de trous dans lesquels périssent les animaux domestiques et sauvages. Les cours d’eau ont disparu et les rares rivières ou marigots qui résistent sont complètement pollués. Ce gros village peuplé d’environ 120.000 habitants fait l'objet de convoitise des orpailleurs venus de toutes les régions de la Guinée et même de la sous-région notamment du Burkina et du Mali. La recherche du métal précieux n’est pas qu’artisanale. L’usine de la société aurifère de Guinée (SAG) qui apporte plus de 93 millions USD par an à l’Etat (période 2008-2013) est située à moins d’un km de Kintinian .
Kintinian, un village assis sur une … mine d’or !
Depuis 1998, l’Etat guinéen a accordé une concession minière pharaonique de 1.500 km2 à la SAG. Cette concession s’étend sur presque tous les villages de Bouré soit toute la partie nord et ouest de la préfecture de Siguiri. Le village de Kintinian et ses alentours ne sont qu’une goutte d’eau dans cet océan minier. Et puisqu’il s’agit de ce village, il faut savoir qu’il est coincé entre les carrières industrielles de la SAG et les puits artisanaux des orpailleurs. Aucun des deux exploitants ne se soucie de la restauration des sites abandonnés. De tous les côtés du village les carrières épuisées ou en cours d’exploitation par la SAG sont situées à quelques mètres des habitations. Les secousses des excavateurs provoquent régulièrement des fissures sur les maisons. L'assèchement de la nappe phréatique suite à cette intense exploitation industrielle provoque le tarissement des puits et des forages des populations riveraines. Entre autres conséquences néfastes: la poussière. L’air est irrespirable jusque dans les chambres. En clair, l’existence de Kintinian est menacée depuis très longtemps.
L'exploitation de la colline sacrée de DamaniTinti
Damani Tinti après exploitation par la SAG
De 2008 à 2009, après compensation des terres agricoles et les friches, la SAG a commencé l’exploitation de la zone de Seguelen qui se situe à la périphérie de Kintinian. En 2013, elle a engagé les mêmes négociations avec le village pour exploiter une partie de la colline de DamaniTinti située dans le même périmètre. C’est ainsi qu’un comité local de négociation, présidé par Elhadj Lancei Camara, la maire de Kintinian, a été mis place. A l’issue des négociations le village a obtenu de la SAG la promesse de réaliser plusieurs infrastructures dont entre autres, une mosquée, un marché moderne, l'adduction d’eau au village, une école de 9 classes et le recrutement de 75 peronnes à la SAG. Ensuite, un comité de suivi composé de 7 membres a été formé. Il est présidé par Elhadj Namory Camara, dit « Gérant », en vue de suivre ces travaux dont certains sont encore en cours d’exécution.
DamaniTinti dont l’exploitation partielle (voir photo) a permis ces réalisations était une colline sacrée. C’était un lieu de culte où les premiers habitants de Kintinian faisaient des offrandes aux génies protecteurs de leur village. Bien que l'islam ait pris le dessus sur l’animisme et l'idolâtrie, le mythe demeure. Les traditionalistes soutiennent que le malheur qui s’abat actuellement sur le village est la conséquence de la destruction de ce lieu sacré.
L'échec des tentatives de négociations pour l'exploitation d’Area One
Plan d'Area One
Area One (zone 1) est la portion de terre au cœur du conflit. La zone s’étend sur 67 hectares. C’est la prolongation de Seguelen et de DamaniTinti (déjà exploités) qui déborde sur une partie habitée du village. Dans cette zone convoitée, il y a des infrastructures socio-éducatives à savoir des écoles et le stade du village. Il convient de rappeler que toutes ces zones font partie intégrante de la concession de la SAG. Selon un mémo (non daté) du Ministère des Mines, depuis mars 2015, la SAG a demandé la mise à disposition d’Area One avant la fin du mois août 2015. Le même document souligne que le Ministère des Mines et de la Géologie est intervenu à plusieurs reprises pour faciliter l’accès à ces zones sans succès. Plus loin, il recommande aux autorités d’informer officiellement les populations que l’accès aux zones d’exploitation accordées par l’Etat aux sociétés minières ne peut être refusé. En outre il recommande la prise d’un acte réglementaire par le Préfet de Siguiri pour interdire les nouvelles construction et autoriser la SAG à procéder à l’inventaire et à l’évaluation des biens situés dans le périmètre d’Area One. Le préfet devra ensuite ordonner à la SAG de procéder à une indemnisation juste et équitable des populations. Mais en réalité, est-ce que ces recommandations ont été transmises aux autorités locales pour être appliquées à Kintinian dans le délai imparti? Quoi qu’il en soit, plusieurs missions se sont succédées à Kintinian pour sensibiliser les populations en vue d’amorcer des négociations avec la SAG, mais en vain.
La visite du Président de la République qui sème la confusion
Le 22 août Alpha Condé s'est rendu à Kintinian. Cette visite s’inscrivait dans le cadre de sa longue tournée dans les villages pour s'enquérir des réalités des paysans qui, disait-il, l’ont élu. C'était aussi une occasion inattendue par le Ministère des Mines et les autorités locales d’obtenir l’accord du village pour libérer la partie habitée de la concession de la SAG. C'est ainsi que le gouverneur de la région de Kankan, Nawa Damé, dit avoir rédigé un mémo qui a été transmis au Président en prélude à sa visite à Kintinian. Dans ce document, il explique l’échec des différentes sensibilisations et les tentatives de négociations entre la SAG et Kintinian. Ils sont bloqués mais restent convaincus que le Président, lui, sera écouté par la communauté.
Par-dessus tout, le mémo du gouverneur contenait une information très sensible. Si le Président n’agit pas vite, la production de la SAG va fortement baisser. Pire, le message de la direction générale de la SAG est clair: l’entreprise fermera ses portes si la population refuse de libérer Area One. Pour l’heure, Area One est le seul site suffisamment exploré et qui peut être exploité pour soutenir la production de la société. Depuis des mois la SAG ne cesse de mettre la pression sur les autorités locales. Elle aurait même fait venir un expert pour commencer à travailler sur le plan de fermeture de l’usine. A l’époque, le seul argument du gouverneur Nawa Damey pour gagner du temps était la campagne électorale. Il faut attendre la réélection du Président pour résoudre le problème.
Après avoir pris connaissance de ce problème qui l’interpelle, Alpha, hanté par la fermeture de l’usine de Fria et de la SEMAFO à Kiniéro (Kouroussa), prend l’information très au sérieux. Il est très en colère contre Kintinian. Et comme les murs ont des oreilles, c’est cette triste nouvelle qui tombe à Kintinian. Kôrô Alpha arrive mais il est très fâché. Il faut donc revoir sa position vis à vis de la SAG avant son arrivée. Sinon…
Du coup, la peur a changé de camp. Le village aurait donc trouvé un accord avec la SAG et le préfet a été chargé de demander au Président de ne plus évoquer le problème. Ils sont d’accord pour déguerpir tout en posant des conditions en terme d'avantages pour le village en général, pour les habitants du site directement concernés en particulier. Le préfet appelle son gouverneur pour lui annoncer la bonne nouvelle. Il lui demande à son tour de l’annoncer au Président. Nawa Damey qui connaît très bien la localité pour avoir été préfet de Siguiri durant des années, a opté pour la prudence. Il doute de ce brusque changement et le fait remarquer au préfet par cette réponse intelligente: “à ce stade, je ne peux pas annoncer une telle nouvelle au Président. Monsieur le préfet veuillez le lui annoncer vous-mêmes”. Le préfet tient tout de même à informer le Président avant son arrivée à Kintinian. C’est ainsi qu’il appelle Bouréma Condé, le Ministre de l’administration du territoire, qui se trouvait en ce moment en compagnie du Président Alpha. La bonne nouvelle est enfin arrivée au destinataire.
Le 22 août, l'hélicoptère de Kôrô atterrit à Kintinian. Il est accueilli par une foule immense d’orpailleurs. La bombe a été désamorcée mais le Président tient à s’assurer que le village n'empêchera pas la SAG de travailler. Comme il aime à le faire, il s’adresse directement à cette foule en liesse: êtes-vous d’accord de libérer la zone? Oui! répond la foule. Les femmes, êtes-vous d’accord? Oui! Les jeunes, êtes-vous d’accord? Oui! Et Kôrô poursuit: si vous êtes d'accord, il n'y aura plus de problème? Tout le monde répond par oui, oui et oui! Content, il fait des promesses à la population au nombre desquelles le bitumage de la route qui relie Kintinian à Siguiri… La visite s'est bien terminée et Alpha a continué son périple.
La première chose qu'il faut retenir ici c'est bien la capacité des multinationales à influencer nos autorités jusqu’au sommet de l'État. La SAG qui détient une concession de 1.500 km2 peut-elle mettre la clé sous le paillasson pour n’avoir pu exploiter une portion de terre dans le délai requis?
Deuxièmement, le Président a bien obtenu le la coopération de la foule mais dans l’esprit de la population de Kintinian, ce n'est pas Area One ; il s’agissait, pour elle, de l’exploitation du reste de la colline de DamaniTinti déjà objet de consensus avec la SAG. Mauvaise foi de la population ou manque de précision du Président? Quoi qu’il en soit, le Président parti, le problème est resté entier et ne tarda pas à exploser.
Le rebondissement dans l’affaire
Environnement dégradé par la SAG et les orpailleurs
Quelques jours après le départ du Président de la République, un accord cadre relatif à la concession d’Area One a été signé le 27 août 2015 à Siguiri. Ce document a été établi entre la SAGet la Communauté Affectée (Kintinian) représentée par Elhadj Namory Camara en sa qualité de Président du Comité de Négociation. L’article 1 de l’accord stipule que “la Communauté Affectée cède la zone d’Area One à la SAG”. L’article 4 précise que les personnes affectées bénéficieront des mesures de relocalisation et d’indemnisation prévues par le Plan de Réinstallation et de Compensation approuvé par l’Etat le 14 mars 2014.
Pour le compte des communautés, le document a été paraphé par: ElhadjNamori Camara, Président du Comité de Local de Négociation; une autre personne dont le nom n’a pas été mentionné mais le document précise néanmoins que c’est par ordre (PO) de KamissaSacko Camara, le doyen du village. Ont également signé: le district de Kintinian 2 représenté par Ansoumane Camara ainsi que le maire de Kintinian, ElhadjLancei Camara. Pour le compte de la SAG: le Directeur des affaires publiques et communautaires, Amadou Fofana et le Directeur Général, Abdourahamane Diaby. Le même accord a été visé par le sous-préfet de Kintinian, ElhadjAliouGuissé et le préfet de Siguiri, Cheikh Mohamed Diallo.
Le reste du village ne tardera pas à dénoncer cet accord. La légitimité des signataires au nom du village est contestée. La première remarque qui s’impose est que le doyen du village n'a pas signé l'accord. Pourtant, il était sur place à Kintinian le jour où le document a été signé à Siguiri. Il faut savoir également que El hadj Namori Camara présenté par l’accord comme étant le Président du Comité Local de Négociation ne l'était pas. Comme indiqué plus haut, il est plutôt le président du Comité de Suivi qui a été mis en place après la négociation de DamaniTinti en 2013. Les opposants à l’accord cadre soutiennent qu’aucun comité de négociation n'avait été mis en place de façon consensuelle pour décider de l'exploitation d’ Area 1. Pourtant toutes les parties confirment que les discussions préalables ont conduit à l'identification du lieu de relocalisation des habitants qui seront touchés. Quel est donc le fond du problème? Guerre des intérêts ou de légitimité?
Sur la base des rumeurs, les opposants à l’accord cadre ont accusé les signataires d'avoir été corrompus par la SAG à hauteur de 200 mille USD. La tension commençait à monter. Le 26 octobre 2015, le préfet a convoqué les deux parties à Siguiri. La délégation des opposants, conduite par Bala Camara, met en cause la légitimité du Comité qui a négocié l'accord. Séance tenante, le préfet prend la décision de suspendre le comité et demande aux contestataires de reprendre la négociation au nom du village. Ces derniers ont rebroussé chemin pour aller rendre compte au village.
En réponse à la reprise des négociations auxquelles s’attendait le préfet, ils ont écrit une pétition qui a été signée par 23 sur 24 des chefs de clans qui forment le village. Ils ont marqué leur opposition catégorique à toute forme de négociation pour l'exploitation d’Area One.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase
Rue poussiéreuse de Kintinian
Le 29 octobre , la délégation des protestataires est partie à Siguiri pour transmettre la pétition au préfet. Le contenuest clair: Area 1 est non négociable!
Outré, le préfet ordonne d'arrêter les 9 membres de la délégation. Il estime qu’ils veulent créer le trouble à Kintinian. La nouvelle de leur arrestation arrive au village ; le 30 octobre c'est le soulèvement pour réclamer leur libération.
Pour les populations de Kintinian, quand les forces de l’ordre ont débarqué au village elles ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes et à s’attaquer aux biens. Les agents ont tiré et un enfant a été blessé par balle. Le village s'est donc défendu et a calciné un pickup et un camion de de la gendarmerie.
La version la plus plausible est celle donnée par les autorités. En effet, la situation était tendue. Craignant le risque d’attaque contre les installations de la SAG, les autorités ont déployé des militaires dans le périmètre de l'entreprise. La mission était commandée par le Colonel Mohamed Diané, le commandant de région de Kankan. Quand le Colonel est arrivé à Kintinian, il s'est présenté au sous-préfet et au maire. Il demandé ces deux autorités de se joindre à lui pour aller saluer et rassurer le doyen du village. Sur ordre du Président de la République, disait-il, il devait transmettre ces salutations d’usage avec 10 noix de cola et 50 milles gnf. Le sous-préfet et le maire ont tenté de le convaincre que la situation ne s'y prêtait. Le colonel insiste et finalement le maire et le sous-préfet s'embarquent avec lui pour aller saluer le doyen. Les véhicules ont garé à quelques mètres de la concession du doyen, à côté du marché. Le maire est descendu pour aller annoncer le visiteur. Les populations prises de panique, pensaient que le maire, accusé d’avoir « vendu » le village, a fait venir les gendarmes pour mater la population. S’en est donc suivi des injures et des jets de pierres. Pour sortir de ce guêpier, les gardes ont lancé des gaz lacrymogènes et ont procédé à des tirs de sommation pour disperser la foule. C'est dans cette débandade qu’un enfant a reçu une balle perdue.
Pour décrisper la situation, les membres de la délégation qui avaient été arrêtés la veille ont été libérés. Quant au problème de fond, il n'est pas encore résolu.
Dans le prochain billet (2ème partie) consacré à ce dossier, je vous parlerai de la suite des événements qui ont empiré la situation. Dans la 3ème et dernière partie, je reviendrai enfin sur les démarches entreprises par la société civile (PCUD) pour résoudre ce conflit persistant.
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