"Il faut relever tous les salaires et décider d'un moratoire sur les fermetures d'usines"
Une vie à l’usine et une vie de militantisme. Jacques Rambur est arrivé à l’âge de 17 ans comme apprenti fraiseur chez ce qui était alors Alsthom (depuis 1998 la société a perdu son "h" pour devenir Alstom suite au rapprochement avec le groupe britannique General Electric). Après un court passage aux Jeunesses communistes - "Mon père m'a élevé dans l’esprit des idées de la Commune", explique-t-il -, Jacques Rambur s’est très vite tourné vers le syndicalisme et la CGT. Surnommé "le gourou" à l’usine de Belfort, en Franche-Comté, où il travaille depuis 39 ans, l’homme n’a pas sa langue dans la poche. "Il y a des gens qui pensent que sans moi, sans mon engagement, ce serait le bordel à l’usine", dit-il en riant. Aujourd’hui technicien qualité, Jacques Rambur n’a rien perdu de ses idéaux.
La campagne présidentielle, il s’y intéresse et de très près. Pour celui qui se définit comme "un salarié militant syndical", pas d'alternative possible : "Quant on voit ce qu’il se passe dans les entreprises, Jean-Luc Mélenchon est le seul à pouvoir défendre les salariés".
À l’évocation des sondeurs et analystes qui, au mois de décembre 2011, prédisaient que les ouvriers, qui représentent 20% de l’électorat français, se tourneraient pour l’élection présidentielle vers le vote Front national, Jacques Rambur s’énerve : "Les sondages, c’est du pipeau !". Et d’ajouter : "On va pas refaire l’histoire mais si François Mitterrand, quand il est arrivé au pouvoir en 1981, a fait beaucoup de bien au monde du travail – les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans -, il a aussi fait du mal. Il a cherché à diminuer l’influence du Parti communiste et c’est depuis ces années-là qu’on a vu le Front national monter en puissance."
L’homme accueille avec beaucoup plus de clémence le dernier sondage TNS-Sofres rendu public dimanche 26 février pour Canal + où le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, est le plus à même de défendre les ouvriers pour plus d'un tiers des Français (35 %) devant François Hollande (30 %). Une bonne nouvelle pour le syndicaliste… "Il y a 5 ans les gens étaient naïfs mais plus aujourd’hui", espère-t-il.
La réindustrialisation est le thème de campagne incontournable pour tous les candidats. Nicolas Sarkozy s’est posé en sauveur des Lejaby d'Yssingeaux (Haute-Loire) avant de se rendre sur le site d’ArcelorMittal en Lorraine. À Saint-Nazaire, sur le chantier naval STX, François Hollande s’est lui présenté comme le "candidat du redressement industriel". Toutes ces visites et surenchères de promesses n’impressionnent guère le salarié d'Alstom. "Le seul soutien qu’on peut avoir, c’est la lutte syndicale", assène-t-il.
En près de quarante ans, Jacques Rambur a vu son usine changer. "On a cassé l’industrie", accuse-t-il. Et de se rappeler : "Avant, il y avait 8 500 salariés à Alstom. C’était une véritable ville dans la ville avec tout un tas de corporations de métiers différents. Aujourd’hui, avec General Electric, on n'est plus que 5 000. J’ai vécu des restructurations, des délocalisations… On produit de moins en moins en France, par contre la boîte gagne toujours plus d’argent."
Et ce qui vaut pour Alstom, vaut aussi pour Renault et bien d’autres sociétés, explique le syndicaliste qui a la dent dure avec le bilan de Nicolas Sarkozy. L’implantation d’une usine Renault à Tanger, au Maroc, lui reste en travers de la gorge tout comme la production de la voiture "low cost" Dacia en Roumanie.
S’il était président ? "Ah ! Je ne vais pas vous refaire la chanson de Gérard Lenorman mais ‘si j’étais président, je nommerais bien sûr Mickey Premier ministre'", dit-il dans un grand éclat de rire. Avant d’enchaîner beaucoup plus sérieusement : "En priorité, vu le contexte économique, je relèverais tous les salaires et je déciderais d'un moratoire sur toutes les fermetures d’entreprises". Après un très court instant de réflexion, Jacques Rambur poursuit : "Il faut aussi remettre la retraite à 60 ans, taxer les revenus du capital…". S’il était président, sûr que Jacques Rambur ferait tout pour mettre un bon coup de pied au système.
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Crédit photo : Julie Kara
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